et a trouvé d’honnestes gens. À present, quant il auroit douze mil livres comptant, il ne pourroit trouver party pour moy, occasion qui a meu ma mère de convertir ma souffrance en supercession, et me donner la coiffe et le masque pour servir de servante et avoir la superintendance sur le pot à pisser et sur la vaisselle d’argent.
— Et moy donc, se dit une servante qui estoit assise sur ses genoux près de la porte, je suis plus à plaindre que vous autres : car autrefois, quand nous avions servy huict ou neuf ans, et que nous avions amassé un demy ceint d’argent, et cent escus comptant, tant à servir qu’à ferrer la mule7, nous trouvions un bon officier sergent en mariage,
7. L’origine de cette locution s’explique d’ordinaire par un passage de Suétone (Vie de Vespasien, chap. 23), ainsi reproduit dans le livre de Moizant de Brieux : « Nous avons pris, dit-il, cette façon de parler de ce que fit autrefois le muletier de Vespasien, qui, sous pretexte que l’une des mules estoit deferrée, arrêta long-temps la litière de cet empereur, et par là fit avoir audience à celuy auquel il l’avoit promise sous l’asseurance d’une somme d’argent, mais dont l’odeur vint frapper aussitôt le nez de ce prince, qui l’avoit très fin pour le gain ; en sorte, dit Suétone, qu’il voulut partager avec son muletier le profit qu’il avoit eu à ferrer la mule. » (Origine de diverses coutumes et façons de parler, Caen, 1672, p. 101.) De là venoit qu’on appeloit ferre-mule tout valet qui trompoit son maître sur le prix des achats qu’il lui faisoit faire : « Un serviteur malin, trompeur et ferre-mule. » (Chapelain, trad. du Guzman d’Alpharache, 1re part., chap. 4.)