Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/20

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jours L ;i Bruyère ne reconnaissait au critique d’autre droitque celui-ci : dire au public que ce livre est bien relié et en beau painer, et qu’il se vend tant ; s’il vivait aujourd’hui , La Bruyère serait a coup sûr le premier parmi ces critiques qu’il méprisait si fort.

Du temps de La Bruyère, la vie littéraire commençait à peine, et nous ne sommes pas bien certains qu’elle ait tout à fait commencé aujourd’hui. Que sera-t-elle dans un siècle ? Dieu lui-même n’en sait rien. Il y a ensuite un chapitre du Mérite personnel, où il est [)arlé de la difficulté de se faire un grand nom, chose aujourd’hui si facile ; de la grande étendue d’esprit qu’il faut aux hommes /jour se passer de charijes et d’emplois, pendant qu’aujourd’hui ce sont les médiocres et les moins ambitieux qui acceptent les emplois et les charges. Dans ce chajjitre. il est dit que les e)ifants.des dieux se tirent des règles ordinaires de la nature, qu’ils n’attendent presque rien du temps et des années, que la mort en eux devance l’âge. Ceci était écrit dans l’enfance du «lue de Bourgogne. Aujourd’hui les enfants des dieux vont au collège avec des fils de bourgeois, ils étudient pour apprendre ; et quand ils remportent un second prix d’histoire, c’est qu’ils l’ont tout simplement un peu plus mérité que leurs condisciples. En un mot, il n’y a rieti à comparer entre le mérite personnel de ce temps-ci et le mérite personnel de ce temps- la.

Comme aussi ce chapitre inlini des Femmes ne saurait se comparer à rien de ce que nous savons de nos jours en fait de femmes. Mesurez les tant que vous le voudrez, depuis la chaussure jusqu’à la coiffure exclusivement, vous trouverez entre les unes et les autres d’incroyables différences. C’est bien le même amour du luxe, delà toilette, de la parure, la même mignardise et la même affectation, le même caprice tout proche de la beauté pour en être le contre-poison ; c’est bien la même femme, coquette, galante, perfide, pleine de caprices ; maiscependantquede typeseffacés ! Où êtes- vous, Célie, amoureuse tour ’a tour de Roscius, deBalhylle, du sauteur Cohus ou de Dracon le joueur de (lùte ? Qu’a-l-on fait, dans les bonnes maisons de ce siècle, de ce tyran domestique qu’on appelait un directeur, un confesseur ? Qu’est devenue la femme dévote qui veut tromper Dieu et cjui se trompe elle-même ? la femme savante, que l’on regarde comme on fait une belle arme ? Oui ; mais nous avons de nos jours tant de femmes que le siècle passé ne comprenait même pas, ’a commencer par ces fenmies de génie en vieux chapeaux et en bas troués, à finir par cet être nouvellement découvert, qu’on appelle la femme de trente ans !

Nous avons aujourd’hui, en fait de passions du cœur, des passions échevelées, des amours à coups de poignard, des adultères plus réglés et plusrégu-