Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/21

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

liers que des mariages, des amours moyen âge et barbus, des délires au clair de l ;i lune ; la passion est une exposition publi(iue :.le cœur est en étalage, tout l’omnie les cliaines d’or h la bouli(|ue des bijoutiers ; on a tué ainsi deux choses dont les moralistes tiraient un si bon parti : la galanterie et l’amour.

El le salon, où est-il ? et de la conversation parisienne, cette supériorité toute française, dont nous étions si fiers à bon droit . (pi’en avons-nous fait . je vous prie ? Il me semble que je suis admis dans un de ces beaux salons d’autrefois, à l’hôtel de Rambouillet , chez mademoiselle de Lenclos, chez madame de Sévigné : quel spirituel et poétique murmure ! Tous les genres d’esprit sont admis ; les médisants, les satiri(|ues, les bons iilaisants, iiièce rare : les éloquents, les moralistes, les savants, les ftitiles, les iniristes eux-mêmes. La politesse et l’élégance sont le centre unique de ces réunions heureuses où Bossuet prononça son premier sermon, où Molière fit la première lecture du Tdihifi’. Mais aujourd’hui, holà ! prenez garde ! fuyez, madame ! défendez votre dentelle et votre écharpe ; vous n’êtes |)as assez loin , fuyez encore ! car voici la cohorte de nos jeunes gens à la mode qui envahit le boidevard , l’éperon au pied, le cigare à la bouche, le chapeau cloué sur la tète ! trop heureuse si, couverte de fumée et la robe déchirée, ces galants jeunes gens ne vous jettent pas sur le bitume, en passant.

Il n’y a niéiïie pas jusqu’à ce simple mot, im riche, qui n’ait tout à fait changé de nom. Autrefois était riche qui pouvait manger des entremets, faire peindre ses lambris et ses alcôves, jouir d’un palais à la campagne et d’un autre à la ville, avoir un grand équipage et mettre un duc dans sa famille. Etre riche, aujourd’hui, c’est jouer à la bourse, habiter un second étage, aller au spectacle avec un billet donné, et demander pour son fils la (ille d’un usurier.

Autrefois, le manieur cl anjoit, l’homme d’affaires, était un ours qu’on ne savait apprivoiser ; aujourd’hui l’homme d’affaires est jeune, élégant, bien frisé ; il dine au Café de Paris, et il va à l’Opéra. Autrefois quand on disait -.CbifiiCante mille-livres de rentes ! chacun ouvrait de grands yeux ; aujourd’hui, nul ne se retourne : c’est si commun ! Autrefois il y avait les/jftr(iso»is qui Unissaient par être princes, de laquais qu’ils étaient ; il y a aujourd’hui des banquiers qui finissent par être laquais, de princes qu’ils étaient d’abord.

Aujourd’hui cependant, comme hier, comme toujours : « faire fortune est ime si belle phrase, qu’elle est d’un usage universel : ou la reconnaît dans toutes les langues ; elle plaît aux étrangers et aux barbares : il n’y a point de lieux saérés où elle n’ait passé, point de solitude où elle soit inconnue ! »