Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/200

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

r,s L’AVdii :.

1,1 chasse île la foiiuuc. Quand on n bien rempli sa f^ihecicre, on ecde ses lilels ei sa clef an premier venu. Or celle chasse dure à peu près douze ans. En d’aulres lermcs, l’avoué, après douze ans d’exercice, commence asenlir le hesoin de goùler le charme d’une oisivelé dorée, et bien dorée, je vous assure... C’esl pourquoi l’avoue de Paris n’a presque jamais plus de quarante à quarante-cinq ans. Quelques-uns s’obslinent encore à regarder l’avoué contemporain comme une émanation lldèle de l’ex-procurenr ; c’est une erreur grave. Rien ne ressemble moins à l’ex-procureur que l’avoué de nos jours. — D’autres, abusés par les vaudevilles de M. Scribe, s’imaginent que l’avoué de Paris est un fashionable qui, du haut de son lilliury, éclabousse ses clients dans la rue, ]>ose le soir au bale^)n des Bouffes et de l’Opéra, joue cinq cents francs a l’écarté, et danse le galop avec une gracieuse frénésie. C’esl encore une erreur : l’avoué de Paris ne lient pas plus du Cliicancau de l’ancien régime que des lions du Jokeys’Club ou des jeunes premiers du Gymnase.

Il y a deux phases bien distinctes dans la vie de l’avoué de Paris, et ses habitudes extérieures se modifient selon qu’il gravite dans l’une ou l’autre de ces phases, garçon ou mari.

Nous avons vu qu’après avoir croupi plus ou moins longtemps sur la chaise de premier clerc, le néophyte achète toujours une charge. Or, lorsqu’il signe la vente, il est ordinairement sans un sou ; ou s’il a quelques économies à sa disposition , elles sont tout juste suflisantes pour un premier a-compte. Qui se chargera de compléter la somme ! Eh ! pardieu, c’esl tout simple : un bon mariage. Le premier clerc achète une charge pour se marier, et une fois possesseur du litre, l’avoué se marie pour payer la charge.

C’est alors que l’avoué est frisé, musqué, pincé, pommadé : c’est alors qu’il porte des bottes de Sakoski, et des habits d’Humann ; c’esl alors qu’il pirouette agréablement dans un salon, qu’il fait la cour aux mères de famille, caresse les petits chiens, pince de la guilare, et se rend utile aux demoiselles par son empressement à fig.rer dans un quadrille, ou à lire des vers nouveaux, lâche dont le verre d’eau sucrée ne siiflit pas toujours a déguiser l’amertume. En un mot, il ne néglige aucune des mille recettes a l’usage des chercheurs de femmes

Mais cet état exceptionnel dure quelques mois’a peine : l’avoué trouve bien vite à s’assortir ; car l’avoué, même avec cinq cents francs dans son liroii’, est toujours un excellent parti.

Quand le mariage est consommé et la charge payée, l’avoué de Paris fait peau neuve et devient un autre homme. Il a des cravates sans nœud i)rélentieux ; il commande ses bottes chez le bottier du coin ; il s'ap[>rovisionne d’habits et de pantalons chez un tailleur, son client, qui lui fait trente pour cent de remise sur les prix des lailleurs’a la mode : "a l’élégant, en un mot, succède le solide. Du reste , tout est noir sur l’avoué, l’habit autant que les bottes. Il n’y a que la cravate qui se permette encore d’être blanche.

Adieu le bois de lioulogne et le calé Anglais ! I, ’avoué marié ne se promène plus, il va ; il ne déjeune, ne dîne, ne sou|>e plus ; il niante chez lui.