Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/202

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vdiil caiist-r, (11’ inème ([u’ils oui un café où ils preniieut leur deiui-lasse ; c’esl pour eux une seconde nature. On sent bien que ces honnêtes gens se feraient scrupule lie déranger leur avoué gratis, sans lui offrir aucune autre coiupeusation que le elianne de leur société. Le procès qui les a mis en rapport avec l’officier ministériel trouve enfin son terme ; mais les relations créées par ce procès ne manquent jamais de lui survivre. Alors le client habitué se fait un cas de conscience de se ménager un autre procès qui justifie en quelque sorte ses assiduités. Il a cherché d’abord un avoué pour suivre son procès ; il cherche maintenant un procès pour suivre son avoué. Cette immobilisation du client est le plus beau triomphe d’un titulaire.

Mais l’avoué ne se borne pas toujours h s’assurer l’exploitation viagère et quelquefois même héréditaire de tous les procès généralement quelconques de son client habitué. Il sait en outre verbalement provoquer ses confidences ; initié forcément hune partie de ses affaires, il ne tarde |>as "a les connaître toutes. Alors il donne des conseils officieux, offre ses services eu dehors de ses fonctions spéciales. Le client a-t-il des fonds h placer ? l’avoué se charge de trouver un placement avantageux. A-t-il besoin, au contraire, d’emprunter ? l’avoué lui procurera la somme nécessaire. Bref, (le proche en proche, l’avoué devient véritablement un homme de confiance, un directeur des intérêts temporels, .le n’ai pas besoin de diie qu’il prélève tant pour cent à titre de prime ; cela va de soi, toute peine mérite salaire. L’avoué de Paris se donne en général beaucoup de peine.

Voila coiiinient le cabinet reciute a la fois pour l’avoué et pour l’étude. Ces merveilleux résultats sont dus a la faconde moelleuse de l’officier ministériel. On voit ([ue le don de la parole est une des qualités essentielles de l’avoué de Paris, et (pie le talent de la causerie ne lui est pas moins nécessaire qu’au coiffeui- qui travaille en ville.

Du reste, une ou deux heures pour la réception des clients, un quart d’heure pour les signatures, une demi-heuie de conférence avec le maitr(>-clerc, telle est la journée officielle de l’avoué. Je ne sais pas s’il faut y compter trois quarts d’heure pour la lecture des journaux. L’avoué de Paris est abonné au Siècle ou a la Presse, selon sa nuance a cause du rabais ; au Droit ou a la Gazetle des Tribunaux, a cause de la s|)écialité, et aux Pelitcx Affiches, a cause des annonces ; il reçoit VEslafcttc et les Affiches Parisieimes en sa qualité d’actionnaire. Tout sombre et anti-épicurien qu’il paraisse, l’avoué de Paris n’est cependant pas un ennemi systématique des divertissements du monde : il donne ((uelquefois l’hospitalité aux raoùls dans ses a[)partements, et installe le ([uadrille et la valse sous les girandoles de son salon. Mais l’ongle de l’homme du palais perce toujours sous le gant blanc de l’amphitryon : chez l’avoué, le plaisir calcule, et le bal est encore un hameçon. C’est un prétexte de politesses ’a faire mensuellement, sous forme d’invitation, aux avocats dont on exploite la confraternité, et aux magistials dont on choie la connaissance ; l’avoué invite même "a ses réunions ses priuc.i])aux clients, qui s’empressent de venir y tremper leurs lèvres dans le verre d’eau dont ils ont eux-mêmes louini le sucre, et lournover au son de 1 iircliesire doiii ils paient les violons.