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L’AMI DES ARTISTES.

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il développe les principes , el de qui il explique la pensOe. Hors d’icclui , ttiul est crOtin , sauf les niorls, (pii servent de point de comparaison. Le peintre , du reste , n’a pas de serviteur plus<lévoué. Ce familier fait la palette, se charge des commissions délicates, des visites aux feuilletonnistes ;il met du bois au pofle de l’atelier, cl ne sollicite d’autre récompense (|iie celle de voir sa tête ébancliée clin(|ue année dans le fond d’un tableau. Après nnejournée employée ; papillonner ç ; et ht, il s’écrie le soir : «Nous avons bien travaillé, notre eiel est descendu tout entier..., nos fi( ;uressont ébauchées, nos dessous finis, notre toile couverte, etc.. « Il est A la fois harassé de fatigue, et content de la besogne ; plus heureux que l’artiste, lequel ne

jouit souvent que de la première de ces sen-

sations.

En province, l’ami itcs arlistcs , c’est-à-dire de la troupe théâtrale, est lieutenant , avocat, clerc, marchand de vins , fils de négociant , cafetier ; dans tous les cas, il a bons poumons et bon bras. En de telles amitiés, le cœur palpite dans l’estomac, el l’on fraternise beaucoup. Les cabotins idolâtrés supportent la sympathie avec des airs de matamores, et les bourgeois sont fiers d’être associés A leurs petites passions. La rivalité de la Dugazon et de la première chanteuse cause bien des rixes , à moins que le ténor n’ait sagement débuté par confisquer celle-ci , comme de droit. Au surplus , les comédiens provinciaux ont conservé je ne sais quoi de bohème, de romanesque, de vagabond, de patriarcal , qui les rend plus divertissants que ceux de Paris , lesquels deviennent plus bourgeoisement ennuyeux qu’on ne saurait le dire.

Déjà néanmoins , et depuis quelques années, un symptôme effrayant de la maladie morale qui p ;lit les comédiens de la capitale se manifeste parmi ceux des départements. Ce besoin de considération prosaïque les recherche ; ils aspirent au droit de bourgeoisie ; l’ami des artistes devient pour eux un objet d’utilité, un porte-res- . peet qu’ils choisissent dans les notabilités, et qui, cajolé, salué, adulé, sert alors au comédien de marchepied pour se hausser jusqu’aux hobereaux de l’endroit. Grâce à ce patron officieux , l’artiste pourra se glorifier , comme ses chefs de file des théâtres royaux , d’être initié aux belles manières , d’atoir été couru par la meilleure société , et ratage par les clames du grand numde ( telles sont ses expressions ) dans tontes les villes où il a travaillé.

(Juand il n’est pas juché ; la cime de l’échelle sociale, l’ami des artistes dramatiques et lyriques des départements est obligé, pour s’élever jusqu’à eux , de se créer une importance , de s’appuyer sur d’autres estimes, sur d’autres relations non moins précieuses.

S’il s’agit d’une ville de garnison . la tâche est facile. L’ami des artistes est d’ordinaire celui des officiers, et sa moustache végète à l’ombre des leurs. L’ami des artistes