Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/377

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L’ELEVI’ IJL CONSEIlVATOlRt :. 281

pas qu’elle aille comnic Ileniiiiiie s’eiiteiier dans une ville <le province ’ l’réiillon «liiiller Paris ! trclilluu, ne plus voir le Ijoulevard Montmartre , ne plus soujier au café Anglais, ne plus parader aux avant-scènes des théâtres , ne plus étaler ses grâces et ses dentelles au hal Musard !... Non... non !... Frétillou restera à Paris ! Elle prulltera de ses études du Conservatoire pour jouer les amoureuses sur une scène de vaudeville, ei longtemps encore elle fera l’orgueil et la joie des Lions littéraires et lies Lions de la mode I

Quel est ce groupe d’où sortent des lioritures, des roulades et des points d’orgue ’ ! C’est celui de mesdemoiselles de la classe de chaut. Toutes elles rêvent des débuts au grand Opéra, et les succès des Falcon et des Damoreau les empêchent de dormir ! Combien d entre elles échoueront au ])ort et seront réduites à aller à Angeisouà Bayonue, tenir l’emploi des Dugaion ! Heureuses encore quand elles ne tomberont pas dans l’une de ces troupes ambulanles, oii la prima donna est obligée de venir, dans la même soirée, chanter la Rosine du Barbier et débiter les longues tirades de riiérolne du mélodrame en vo,. ;ue ’

Passons maintenant a l’intéressante division des pianistes. — Les pianistes ! — Essayez de les compter ; elles sont aussi nombreuses que les étoiles au lirmamcnt’ :'

— Quelle est aujourd’hui la maison où l’on ne rencontre pas un méchant piano dans quelque coin’ ? Quelle est la mère ([ui se refuse le plaisir de faire apprendre le piano il sa Glle’ ;' Le piano u’cst-il pas l’assaisonnement obligé de tous les maussades programmes des maisons d’éducation’ ? Trouveiez-vous une demoiselle ’a marier qui ne fasse pas taut bien que mal reteiiiir les touclies d’un piano sous ses doigts agiles’.' Au Conservatoire, la division des pianistes a cela de particulier, qu’elle ne se compose pas seulement d’enfants des familles bohémiennes, ou de quelcjnes intelligences d’élite entraînées vers I art par une vocation irrésistible ; elle compte dans son sein beaucoup déjeunes personnes de la classe moyenne etaisée. En effet, le bourgeois, être essentiellement positif et calculateur, se faità par lui cette réflexion : — « Je paie trois ou quatie cents francs de contribution par an. C’est l’argent des contribuables qui défraie les dépenses du Conservatoire, qui y enl relient les meilleurs professeurs de Paris, y propage les méthodes les plus parfaites ! N’ai-je donc pas le droit d’envoyer ma fille Lili au Conservatoire pour y apprendre le piano... le piano que moi et ma ’ femme aimons taut ! D’ailleurs cela m’épargnera un maître "a domicile, et diminuera d’autant le chiffre de la somme que je verse tous les ans dans la caisse du percepteur de mou arrondissement. "

Profondément calculé , n’est-ce pas ? — Le bourgeois , qui est juré , électeur , capitaine de la garde nationale et qui jouit d’une grande considération dans son quartier, trouve facilement le moyen d’obtenir pour sa lille l’entrée de l’école royale, et voilà pourquoi, lorsque par hasard vous allez acheter un briquet phosphorique le soir chez votre épicier, vous entendez retentir dans l’ariièrc-boutique le son d’un piano qui soupire la romance de Guida.

Les pianistes du Conservatoire font l’orgueil de leurs pareuls , la joie des fêtes de familles, les délices des concerts a trois francs par tête et le désespoir des infortunes qui demeurent au même étage qu’elles.