Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/465

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LE C0IMIS-V0A( ;KI U. 351

ninnsicm- ;’i le venir vnir ;1 l’iiiis. n Nous iioiis (liiicniii Hocher de Caneale. » dit-il en riant d’une nianien’ ealeulre ; puis il ajoute . mais dans le tuyau de l’oreille : « Kl nous d(’collerons la fine fiole d’ Ai frappé, hein ! » Bref, iloblienl une cominission, souvent une bonne commission.

Le oyaf ;eur ;’i ronimhsion était, au temps de l’empire, un élre apocryphe, IdéaLou tout au moins dubitatif ; à la restauration, il se matérialisa, prit un corps, une tête et des bras ; enfin, depuis les glorieuses, il s’est tellement identifié avec son râle, et il a si scrupuleusement embrassé la perfeelibililé de notre époque, qu’il est parvenu A se rendre la terreur des boutiquiers , des magasins et du commerce en général. Or, pour vous faire une idée de cette ingénieuse procréation du siècle, imaginez un être (]ui frise la cinquantaine, un peu plus, un peu moins, mais plutôt plus que moins. Cet élre est propriétaire d’une tète emironnéi’ d’une auréole de cheveux gris , gras cl collant sur les tempes ; il est en outre revêtu d’un habit rilpé, d’un pantalon A plis, d’un col crinoline Oudinol, d’un chapeau blond et de bottes éculées. Avec cet accoutrement (|ucl(pie peu Hoberl-Macaire. il fait le merveilleux, l’incroyable, et secoue fréipiemiiient le tabac de son jabot fané, afin d’avoir occasion de faire briller le chaton doré de la bague de cheveux que lui a donnée sa dernière conquête. Le voyageur a commission a buigtemps parcouru le monde entier ; il a tout vu , tout examiné, tout observé, tout apprécié. Il connaît tous les moyens , toutes les ressources , toutes les marches et contre-marches , les points et les virgules , les entrées et les sorties ,en un mot tous les arcanes de son métier, de son état, de son art. Parlez-lui d’une maison importanle, alors il n’hésitera pas seulement ; en guise de préambule obligé, il se balancera un instant sur sa chaise, puis, introduisant un doigt dans l’entournure de son gilet velours-coton, à boutons ciselés, il vous répondra en clignant de l’oeil : «Telle maison ? connu ! j’ai été commis avec le patron en l’an IX. » Citez-lui le nom d’un négociant ; «Connu ! il était pUirier au moment où je faisais l’expédition pour l’étranger. » Nommez-lui un banquier : «Connu ! c’était un garçon de caisse que déjA je...» Le voyageur à commission a tout fait, tout été, et en résumé il ne fait rien et n’est rien. Par exemple , il faut lui rendre cette justice, il sait par coeur tous les hôtels de France, leurs bonnes et mauvaises qualités ; il connaît tous les chefs, les plats où ils excellent , les mets qu’ils servent le mieux ; enfin il est très-bien avec les bonnes. Non qu’il soit généreux ; au contraire , la génésosité !

allons donc ! la civilisation et le positivisme l’ont abolie ; mais, par contre, il 

<’st doucereux, bavard et séducteur. Il vante en termes congrus les charmes de la chambrière, exalte emphatiquement les sauces du chef, et débite force compliments à l’hôtelier.

Règle générale, il hante de préférence les jeunes voyageurs, les nouveaux émoulus. Pourquoi ? Parce qu’il tonnait par A plus B le domino , le whist, l’écarté , et surtout le doublé au billard, et qu’une fois au café, il est sur de passer au débutant et la demi-tasse, et le petit verre , et le cigare, et la bouteille de bière, toutes dépenses quotidiennes qui viennent d’autant ménager son maigre budget. Le voyageur a commission ( nous lui en demandons bien pardon, mais la vérité avant tout)^ le voyageur à commission est de mœurs particulièrement diogéniques : si vous enten-