Page:Les Français peints par eux-mêmes - tome I, 1840.djvu/467

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Lt COMMIS-VOA(iElR. 353

lier est babituellemeiil un petit avorton, suffisant , barbu , cambré ci beau parieur. C’est le papillon de la confrérie, frisé, musqué et vantard. Il est bien mis : pantalon collant , boites vernies et i ;ilct court. Dans sa main frétille une canne de houx loidu. et sa télee>t décorée d’une chevelure A la l’érinet ou :’i la malconlenl , Miisanl la iiluie. le soleil ou le vent. Par jour, on lui alloue de 10 A 12 francs , et, par an , de l,tXK)

V 1,200 francs. On lui trace un itinéraire ; il doit rester tant de jours dans une ville,

tant dans une autre, et s’arrain ;er de manière à ce que ses affaires soient faites pendant le laps de temps qu’on lui a accordé. Kn descendant de diligence Ja rotonde toujours), voici la distribution de son temps : 1" Il va se promener, flairer la ville, prendre le vent et récolter de l’appétit ; il est réellement trop matin pour aller voir la pratique : elle n’est pas levée, on est paresseux en province, on aime, on savoure e far nicitic. L’argent s’y gagne lentement , c’est vrai ; mais aussi bien facilement, il faut en convenir. 2" Il rentre pour déjeuner, déjeuner longtemps et bien ; ce qui n’est pas défendu , d’autant que ça ne cortte pas un centime de plus. .ycz de 'a>pélit ou n’en ayez ])as , aux yeux de l’hôtelier, vous en avez toujours. Aussi , le voyageur fixé sait-il si bien cela , qu’il aimerait mieux consommer pour deux que de ne pas manger pour un. 3° Il se rend au café, prend la demi-tasse de rigueur, la joue, perd ; joue contre, perd encore ; joue de nouveau, et fait la récolte générale. Il a régale toute la société ; aussi a-t-il mangé 18 francs : or, il faudra, quoi qu’il arrive, récupérer cette perte , et , pour cela , rester un jour de plus dans une ville. En ville . il faut jouer au café, on fait des économies ; ce sont les diligences qui assomment. 4° Une heure sonne ; on va voir la pratique, bien ! mais la pratique ne sympathise pas avec le voyageur fixé. «Monsieur, lui dit-on, nous n’avons besoin de rien Monsieur, vous repasserez demain Oh ! monsieur, des voyageurs et des chiens, on ne voit que cela dans les rues Des voyageurs, ne m’en parlez pas, j’en ai plein le ilos.’n A toutes ces observations plus ou moins flatteuses, le voyageur fixé s’incline et remercie. On lui dit : «Vous nous ; « il répond, « Monsieur, c’est un dessin nouveau, exclusif à notre maison. » On lui crie : «Vous nous fatiguez » et lui de répliquer avec enthousiasme : «Trois mois et trois pour cent, chose que jamais personne ne ous fera. — Mais , mon cher monsieur, vous perdez votre temps. — Monsieur, je voyage pour cela ! >> Quand un commettant devine au fumet ou entrevoit le nez d’un voyageur fixé, avant que celui-ci ait mis la main sur le bouton de la porte, il lui crie : «Monsieur, c’est inutile, absolument inutile ; nous avons tout ce qu’il nous faut !» Et souvent il n’a pas une aune de marchandise dans ses ravons , pas une once de cassonade dans ses casins, pas un kilo de vitriol vert ou d’indigo. En vérité, convenons-en, on ne ferait pas pire accueil au marchand d’aiguilles, au repasseur de couteaux-ciseaux ou ; l’étameur. voire au propriétaire à l’échéance du terme.

Observation essentielle, le voyageur fixé doit sortir par la porte et rentrer par la fenêtre, jusqu’à ce que commission s’ensuive ; cela est renfermé dans ses prescriptions. Labor oninia vincit improbus . Par contre, c’est le patron qui doit payer le café, le blanchissage, le spectacle, et autres menues dépenses portées sous un pseudonyme décent au débit du compte du voyage. Cela est connu de tous, excepté du patron. Le