marquise de Montespan en poussant un soupir,
vous savez qu’elle m’a enlevé le cœur
du roi, et c’est une chose que je n’oublierai
jamais. La méchante, par ses airs affectés
et complaisants, a surpris la tendresse de ce
prince, qui ne m’a jamais aimée depuis ce
fatal moment où il la vit dans ma chambre,
lorsqu’elle écrivit une lettre à sa majesté
qui lui parut remplie de charmes. — Madame,
vous devez rendre plus de justice à
cette dame, reprit le père La Chaise, et condamner
l’inconstance de ce monarque : s’il
vous avoit effectivement bien aimée, sa majesté
n’auroit pas changé. — Mais, mon
père, dit la dame en souriant, peut-on bien
aimer et être inconstant ? Définissez-moi
cette pensée. — De bonne foi, madame, je
ne suis pas assez consommé en matière d’amour,
répondit le jésuite en riant et dissimulant,
pour bien définir ce que vous souhaitez ;
vous en savez plus que moi de ce
côté-là ; une personne comme vous qui a été
toute adorable peut-elle me demander rien
là-dessus ? — Mon père, reprit la marquise
d’un ton agréable, si j’en sais quelques petites
choses, ce n’est pas par science. — Eh
bien, madame, dit le religieux en lui serrant
la main, c’est peut-être par expérience,
c’est toujours savoir. — Il est vrai, mon
père, repartit la dame en changeant de discours,
conseillez-moi quel habit je prendrai,
afin de contrefaire la bigote. — Ma-
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LES JÉSUITES