dire de ce côté-là ; toute ma douleur n’est
que pour moi : me voir abandonnée avec
mépris d’un prince qui m’a juré mille et
mille fois que son amour ne finiroit qu’avec
sa vie, ah ! ce m’est quelque chose de bien
touchant que cette indifférence ! — Je vous
l’avoue, madame, dit le jésuite d’un ton
flatteur ; mais que faire ? C’est la destinée
des choses de ce monde qui sont toujours
dans un perpétuel mouvement, qui varient
incessamment ; vous n’en êtes pas moins
précieuse pour ne posséder plus les affections
d’un grand monarque qui, peut-être,
vous embarrassoit dans de certains momens.
Je vois madame de Maintenon souvent fort
inquiète sur ce chapitre. — Bon, mon révérend
père, s’écria la marquise, vous croyez
que c’est le sujet de cette fine bigote. Ah !
croyez-moi, la bonne femme craint que notre
roi, qui est accoutumé au changement, ne la
quitte. Mais que dis-je, ajouta-t-elle malicieusement
en se reprenant, il y a longtems
qu’il l’a fait pour posséder les beautés
de son sérail qui ont grand’envie de plaire à
ce prince. — Hélas ! que dites-vous là ? madame,
repartit le père, en faisant deux pas
en arrière, qui marquèrent son étonnement ;
profanez-vous de la sorte la vertu de cette
pieuse dame ? Ah ! certes, le titre scandaleux
de sérail ne convient point à un saint lieu
où l’aimable innocence fait son séjour. —
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EN BELLE HUMEUR
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