Page:Les Lois de Manou, trad. Strehly, 1893.djvu/9

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le bien dire de mes devanciers, et que même si je réussissais à faire une œuvre à peu près satisfaisante, je n’aurais jamais que le mérite secondaire d’avoir suivi sans m’égarer la voie qu’ils m’avaient si magistralement tracée. Mes scrupules ont cédé pourtant aux considérations suivantes. Le Code des Lois de Manou est un de ces livres d’un caractère universel et en quelque sorte humanitaire, qui n’intéressent pas seulement l’érudit, le philologue, l’indianiste ; les questions qu’il traite méritent d’attirer l’attention du grand public. Le philosophe peut y chercher des matériaux pour l’histoire des idées morales dans l’antiquité ; le jurisconsulte peut lui demander des renseignements sur la conception du droit civil et criminel dans le pays qui passe pour avoir été le berceau des races européennes[1]. Or, comme on l’a dit, l’ouvrage de Loiseleur-Deslongchamps est dès longtemps épuisé, et malgré les mérites réels de sa traduction, il y a lieu, après celles qui ont paru depuis, de faire autre chose qu’une simple réimpression de l’édition de 1850. D’autre part, les traductions en langues étrangères, pour excellentes qu’elles soient, ne sont pas accessibles aux personnes qui n’ont de ces langues qu’une connaissance imparfaite, voire même nulle, et ne laissent apercevoir l’original qu’à travers un double décalque, ce qui en affaiblit encore davantage l’impression. On a donc pensé qu’une nouvelle traduction française, mettant à profit les résultats acquis et accompagnée d’un commentaire explicatif un peu moins sobre que celui de Loiseleur-Deslongchamps, pourrait obtenir un accueil favorable auprès du grand public. Voici les principes qui m’ont guidé dans l’exécution de mon travail. Voulant avant tout que mon interprétation fût intelligible à tous, j’ai évité autant que possible d’émailler le texte français de mots sanskrits, bien qu’il soit parfois plus

  1. Cette opinion a été fortement battue en brèche dans ces derniers temps.