Aller au contenu

Page:Les Loisirs du chevalier d'Eon t1.djvu/24

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ceux de me rendre utile à mes concitoyens. Une pareille entreprise devoit naturellement m’exposer en vue, en falloit-il davantage pour faire naître l’opposition & irriter la méchanceté des hommes ? Il y a des tems & des circonstances où les vertus, même éminentes, sont sujettes à des jugemens sinistres, & qui peuvent faire douter si une réputation favorable n’est pas fouvent plus à redouter qu’une mauvaise.

Je n’entrerai point dans le détail des effets funestes que produisent ces contradictions, quoique nul siècle ne puisse les regarder avec indifférence. Elles existent, on ne peut les empêcher, il faut les braver.

Les gens sensés murmurent vainement du peu de bien qui se fait dans les états ; qu’ils réfléchissent que ce bien a peine à surmonter les obstacles qu’on lui oppose, que la vertu ne semble avoir d’éclat que pour offenser d’avantage les yeux des lâches & des méchans, que nos oreilles sont continuellement frappées des gémissemens du vertueux opprimé ou des ris immodérés du scélérat heureux, que le mérite des particuliers est contraint, pour n’être pas attéré, d’implorer le secours des loix ou des mœurs, & que le mépris des unes & la