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Page:Les Loisirs du chevalier d'Eon t1.djvu/25

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corruption des autres le laissent, le plus souvent exposé à l’injustice de la persécution : alors en philosophes éclairés, ils s’étonneront bien davantage de ce qu’il se trouve encore quelqu’un qui ait le courage de faire le bien. Caton cinquante fois accusé & autant de fois absous en est un exemple frappant, dont j’ai tiré les plus douces consolations.

Pourquoi me plaindrois-je donc, si je n’ai pas obtenu ce que la fortune paroissoit à la veille de m’accorder ? Ce n’est qu’un de ces coups de la providence, qui décide à son gré du bonheur ou du malheur des hommes. En m’y soumettant, je ne jette les yeux que sur les causes secondes, & j’en accuse alors certains particuliers accrédités, qui m’ont fait voir combien il est dangereux d’avoir raison dans les choses où des hommes puissans ont réellement tort. J’en ai tiré cette importante maxime, que les meilleurs services & les plus grandes actions faites pour l’honneur & l’avantage de la patrie, procurent à peine un véritable ami, tandis qu’un seul acte contre une certaine espèce de ministres nous attire une foule d’ennemis. L’empreinte de la disgrâce effraie dès lors tout ce qui vous approche. L’ami oublie presque toujours le souvenir des bienfaits, tandis que les ennemis ne