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III
NOTICE

troupes de chacune six cent mille djinns. L’ensemble forme, comme on le voit, une armée assez respectable. On distingue aussi les djinns de l’air, les djinns de la terre et les djinns de l’eau. Le chef des djinns habite la montagne de Kaf[1].

Les djinns peuvent prendre les formes les plus étranges, mais ils se transforment de préférence en lions, en chacals, en loups et en serpents. Les lieux que les djinns de la terre recherchent particulièrement sont les carrefours, les ruines, les bains, les puits et même… les latrines !

Lorsqu’un croyant se voit menacé par l’apparition d’un djinn malfaisant, il se hâte de crier — à moins toutefois que la peur n’étrangle sa voix — Hadid ! Hadid’ia machoum ! (Du fer, du fer, misérable !) De même que les lâches, les djinns ont, paraît-il, grand peur de ce métal.

Les mahométans qui, par politique, tiennent à être agréables aux djinns, ont toujours la précaution de crier avant d’entrer dans un endroit qu’ils supposent hanté par ces génies : Destour ! destour ! ia moubarakin ! (Permettez, permettez, bienheureux !).

Les djinns ont d’ailleurs très mauvaise réputation parmi les Orientaux. Ceux-ci ne les accusent pas seulement de ravir les femmes dont la beauté les a séduits, mais ils prétendent encore que les djinns hantent les maisons inhabitées, qu’ils traitent d’une façon terrible ceux qui tentent d’y entrer, et même qu’ils se mettent en embuscade sur les toits et dans les embrasures des fenêtres pour jeter des pierres aux passants.

Il est pourtant admis que certains djinns protègent et surveillent un endroit spécial. Au Caire, c’est encore une croyance très répandue qu’à chaque quartier de la ville

  1. Kaf ou Caf est le nom que les Arabes donnent à une montagne imaginaire qui entoure le monde entier. Cette montagne est la patrie de tous les êtres surnaturels créés par l’imagination des peuples sémitiques.