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LES MILLE ET UN JOURS

I

HISTOIRE D’ABOULCASEM BASRY[1]

Tous les historiens conviennent que le calife Haroun-al-Raschid aurait été le prince de son siècle le plus parfait, comme il en était le plus puissant, s’il n’eût pas eu un peu trop de penchant à la colère et une vanité insupportable. Il disait à tous moments qu’il n’y avait point de prince au monde qui fût aussi généreux que lui. Giafar, son premier vizir, ne pouvant souffrir qu’il se vantât ainsi lui-même, prit la liberté de lui dire un jour : « Ô mon souverain maître, monarque de la terre, pardonnez à votre esclave s’il ose vous représenter que vous ne devez point vous louer vous-même. Laissez faire votre éloge à vos sujets et à cette foule d’étrangers qu’on voit dans votre cour. Contentez-vous que les uns remercient le ciel de les avoir fait naître dans vos États, et que les autres s’applaudissent d’avoir quitté leur patrie pour venir ici vivre sous vos lois. »

Haroun fut piqué de ces paroles. Il regarda fièrement son vizir, et lui demanda s’il connaissait quelqu’un qui lui fût comparable en générosité. « Oui, seigneur, répondit Giafar ; il y a dans la ville de Basra[2] un jeune homme appelé Aboulcasem. Quoique simple particulier, il vit avec plus de magnificence que les rois ; et, sans excepter Votre

  1. Basry. de Basra ou Bassora.
  2. Ou Bassora, au-dessous du confluent du Tigre et de l’Euphrate.