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CONTES ORIENTAUX

d’instruments, qui commencèrent un concert dont Haroun fut enchanté. « J’ai, disait-il en lui-même, des voix admirables dans mon palais, mais il faut avouer qu’elles ne méritent pas d’entrer en comparaison avec celles-ci. Je ne comprends pas comment un particulier peut avoir assez de bien pour vivre si magnifiquement. »

Tandis que ce prince était particulièrement attentif à une voix dont la douceur le ravissait, Aboulcasem sortit de la salle et revint un moment après, tenant d’une main une baguette, et de l’autre un petit arbre dont la tige était d’argent, les branches et les feuilles d’émeraudes, et les fruits de rubis. Il paraissait au haut de l’arbre un paon d’or bien travaillé, et dont le corps était rempli d’ambre, d’esprit d’aloès et d’autres senteurs. Il posa cet arbre aux pieds de l’empereur, puis frappant de sa baguette la tête du paon, le paon étendit ses ailes et sa queue, se mit à tourner avec beaucoup de vitesse, et à mesure qu’il tournait, les parfums dont il était plein en sortaient de tous côtés et embaumaient toute la salle.

Le calife ne pouvait se lasser de considérer l’arbre et le paon, et il en témoignait encore son admiration, lorsque Aboulcasem les prit et les emporta fort brusquement. Haroun fut piqué de cette action et dit en lui-même : « Que veut dire ceci ? Ce jeune homme, ce me semble, ne sait pas si bien faire les choses que je croyais. Il m’ôte cet arbre et ce paon, quand il me voit occupé à les regarder. A-t-il peur que je le prie de m’en faire présent ? Je crains que Giafar ne lui ait donné mal à propos le titre d’homme généreux. »

Cette pensée se présentait dans son esprit, lorsque Aboulcasem rentra dans la salle, accompagné d’un