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LES MILLE ET UN JOURS

caravansérail, que pour la magnificence, Aboulcasem est au-dessus des rois ; mais pour la générosité, mon vizir n’a pas raison de le mettre en parallèle avec moi ; car enfin, m’a-t-il fait le moindre présent ? Je me suis pourtant récrié sur la beauté de l’arbre, sur la coupe, sur le page et sur la demoiselle. Et mon admiration devait du moins l’engager à m’offrir quelqu’une de ces choses. Non, cet homme-là n’a que de l’ostentation Il se fait un plaisir détaler ses richesses aux yeux des étrangers. Pourquoi ? Pour contenter seulement son orgueil et sa vanité. Dans le fond, ce n’est qu’un avare, et je ne dois point pardonner à Giafar de m’avoir menti. »

En faisaut ces réflexions si désagréables pour son premier ministre, il arriva au caravansérail. Mais quel fut son étonnement d’y trouver des tapis de soie, des tentes magnifiques, des pavillons, un grand nombre de domestiques, tant esclaves qu’affranchis, des chevaux, des mulets, des chameaux, et outre tout cela, l’arbre et le paon, le page avec sa coupe, et la belle esclave avec son luth.

Les domestiques se prosternèrent devant lui, et la demoiselle lui présenta un rouleau de papier de soie qu’il déplia, et qui contenait ces mots : « Cher et aimable convive que je ne connais point, je n’ai peut-être pas eu pour vous les égards que je vous devais. Je vous supplie d’oublier les fautes que j’ai commises en vous recevant, et de ne pas me faire l’affront de refuser les petits présents que je vous envoie. Pour l’arbre, le paon, le page, la coupe et l’esclave, ils étaient à vous déjà, puisqu’ils vous avaient plu ; car une chose qui plaît à mes convives cesse d’être à moi, et devient leur propre bien. »