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CONTES ORIENTAUX

Quand le calife eut achevé de lire cette lettre, il fut surpris de la libéralité d’Aboulcasem, convenant alors qu’il avait mal jugé de ce jeune homme : « Mille millions de bénédictions, s’écria-t-il, soient données à Giafar ! Il est cause que je suis désabusé. Ne te vante plus, Haroun, d’être le plus magnifique et le plus généreux de tous les hommes ! un de tes sujets l’emporte sur toi. Mais, ajouta-t-il en se reprenant, comment un simple particulier peut-il faire de pareils présents ? Je devais bien lui demander où il a trouvé tant de richesses. Je confesse que j’ai tort de ne l’avoir point interrogé là-dessus. Je ne veux pas m’en retourner à Bagdad sans avoir approfondi cette affaire. Aussi bien il m’importe de savoir pourquoi, dans les États qui sont sous ma puissance, il y a un homme qui mène une vie plus délicieuse que moi. Il faut que je le revoie, et que je l’engage adroitement à me découvrir par quels moyens il a pu faire une fortune si prodigieuse. »

Impatient de satisfaire sa curiosité, il laissa dans le caravansérail ses nouveaux domestiques, et retourna chez le jeune homme à l’heure même, et se voyant seul avec lui : « Ô trop aimable Aboulcasem, lui dit-il, les présents que vous m’avez faits sont si considérables, que je crains de ne pouvoir les accepter sans abuser de votre générosité. Permettez que je vous les renvoie, et que, charmé de la réception que vous m’avez faite, j’aille publier à Bagdad votre magnificence et votre penchant généreux. — Seigneur, lui répondit le jeune homme d’un air mortifié, vous avez sans doute sujet de vous plaindre du malheureux Aboulcasem. Il faut que quelqu’une de ses actions vous ait déplu, puisque vous rejetez ses présents. Vous ne me feriez pas cette injure, si vous