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CONTES ORIENTAUX

contre lui l’envie ou l’avarice du sultan d’Égypte, il quitta son pays et vint s’établir à Basra, où il épousa la fille unique du plus riche marchand de la ville.

Je suis le seul fruit de ce mariage ; de sorte que jouissant de tous les biens de mon père et de ceux de ma mère après leur mort, j’avais une fortune très brillante. Mais j’étais fort jeune, j’aimais la dépense, et me voyant de quoi exercer mon humeur libérale, ou pour mieux dire ma prodigalité, je vivais avec tant de profusion qu’en moins de deux ou trois ans mon patrimoine se trouva dissipé. Alors, comme tous ceux qui se repentent de leur mauvaise conduite, je fis les plus belles réflexions du monde.

Après la figure que j’avais faite à Basra, je crus devoir aller traîner ailleurs des jours malheureux. Il me sembla que ma misère me serait plus supportable devant des yeux étrangers. Je vendis ma maison, le seul bien qui me restait. Je me joignis à une caravane de marchands avec lesquels j’allai à Moussel, ensuite à Damas ; et, traversant le désert d’Arabie et le mont Pharan, j’arrivai au grand Caire.

La beauté des maisons et la magnificence des mosquées me surprirent ; et me représentant tout à coup que j’étais dans la ville où Abdelaziz avait pris naissance, je ne pus m’empêcher de soupirer et de répandre quelques larmes. « Ô mon père ! disais-je en moi-même, si vous viviez encore, et que dans le lieu où vous avez joui d’un sort digne d’envie, vous vissiez votre fils dans une situation déplorable, quelle serait votre douleur ! »

Occupé de cette pensée qui m’attendrissait, j’arririvai en me promenant sur les bords du Nil. J’étais derrière le palais du sultan. Il parut à une fenêtre une jeune dame dont la beauté me frappa. Je m’arrêtai