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LES MILLE ET UN JOURS

pour la regarder ; elle s’en aperçut, et se retira. Comme la nuit approchait, et que je ne m’étais point encore assuré d’un logement, j’en allai chercher un dans le voisinage.

Je pris un peu de repos ; les traits de la jeune dame s’offraient sans cesse à mon esprit. Je sentais bien que je l’aimais déjà. Plût à Dieu, disais-je, que je ne l’eusse pas vue, ou qu’elle ne m’eût point remarqué. Je n’aurais pas conçu pour elle un amour insensé, ou j’aurais eu le plaisir de la regarder plus longtemps.

Je ne manquai pas le lendemain de me rendre sous ses fenêtres dans l’espérance de la revoir. Mais je fus trompé dans mon attente. Elle ne se montra point. Cela m’affligea fort, sans pourtant me rebuter ; car j’y retournai le jour suivant, et je fus plus heureux. La dame parut, et voyant que je la considérais avec attention : « Insolent, me dit-elle, ne sais-tu pas qu’il est défendu aux hommes de s’arrêter sous les fenêtres de ce palais ? Retire-toi promptement. Si les officiers du sultan te surprennent en cet endroit, ils te feront mourir. »

Au lieu d’être épouvanté de ces paroles et de prendre la fuite, je me prosternai le visage contre terre, puis m’étant relevé : « Madame, lui dis-je, je suis un étranger. J’ignore les coutumes du Caire, et quand je les saurais, votre beauté m’empêcherait de les observer. — Ah ! téméraire, s’écria-t-elle, crains que je n’appelle ici des esclaves pour punir ton audace. » En parlant de cette sorte, elle disparut, et je crus qu’indignée de ma hardiesse, elle allait effectivement appeler du monde pour me maltraiter.

Je m’attendais à voir venir fondre sur moi des gens armés, mais, plus touché de la colère de la dame que