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LES MILLE ET UN JOURS

restait, je me cachai sous le trône, et Dardané alla ouvrir la porte.

VI

Le sultan, suivi de plusieurs eunuques noirs qui portaient des flambeaux, entra d’un air furieux. « Malheureuse ! s’écria-t-il, quel homme est ici avec toi ? On en a vu monter un à une fenêtre de cet appartement, et la corde y est encore attachée. » La dame demeura interdite à ces paroles. Elle ne put répondre un seul mot ; et quand elle aurait osé payer de hardiesse, son effroi ne la condamnait que trop. « Qu’on cherche partout, ajouta le sultan, et que le téméraire n’échappe point à ma vengeance ! » Les eunuques obéirent. Ils m’eurent bientôt découvert. Ils m’arrachèrent de dessous le trône et me traînèrent jusqu’aux pieds de leur maître, qui me dit : « Ô misérable ! quelle est ton audace ! La ville du Caire n’a-t-elle point assez de femmes pour toi, et ne devais-tu pas respecter mon palais ? »

Je n’étais pas moins épouvanté que la favorite. Peu s’en fallut même que je ne tombasse évanoui. Je crois que si la même aventure vous arrivait à Bagdad, et que vous vous trouvassiez surpris par le grand Haroun-al-Raschid dans son sérail (pardonnez-moi, seigneur, cette réflexion), vous ne se seriez peut-être pas dans un autre état. Je n’eus donc pas la force de parler. J’étais à genoux devant le sultan, et je n’attendais que la mort. Ce prince tira son sabre pour me la donner ; mais dans le temps qu’il m’allait frapper, il arriva une