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LES MILLE ET UN JOURS

infinité de perles et de diamants. L’on voyait aussi au milieu un bassin de marbre. Il n’était pas, à la vérité, si grand que celui où étaient les pièces d’or, mais en récompense il était plein de rubis, de topazes, d’émeraudes et de toutes sortes de pierreries.

Jamais surprise ne fut égale à celle que le calife fit paraître alors. À peine pouvait-il croire qu’il fût éveillé. Ce nouveau bassin lui paraissait un enchantement. Il avait encore la vue attachée dessus, lorsque le fils d’Abdelaziz lui fit remarquer sur un trône d’or deux personnes qu’il lui dit être les premiers maîtres du trésor. C’était un prince et une princesse qui avaient sur la tête des couronnes de diamants. Ils paraissaient encore tous deux pleins de vie. Ils étaient couchés tout de leur long, tête contre tête, et l’on voyait à leurs pieds une table d’ébène sur laquelle on lisait ces paroles en lettres d’or : « J’ai amassé pendant le cours d’une longue vie toutes les richesses qui sont ici. J’ai pris des villes et des châteaux que j’ai pillés. J’ai conquis des royaumes et terrassé tous mes ennemis. J’ai été le plus puissant roi du monde ; mais toute ma puissance a cédé à celle de la mort. Quiconque me verra dans l’état où je suis, doit ouvrir les yeux. Qu’il fasse réflexion que j’ai vécu comme lui, et qu’il mourra comme moi. Qu’il ne craigne pas d’épuiser ce trésor. Il ne saurait en venir à bout. Qu’il s’en serve pour acquérir des amis, et pour mener une vie agréable, car, quand il faudra qu’il meure, tous ces biens ne le garantiront pas du sort commun à tous les hommes. »

Je ne désapprouve plus votre conduite, dit Haroun au jeune homme, après avoir lu ces mots. Vous avez raison de vivre comme vous vivez, et je