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LES MILLE ET UN JOURS

n’était seule que trop capable d’inspirer de l’amour. Jamais fille n’eut moins d’envie, ou plutôt tant de peur de plaire que Balkis. Elle craignait autant de paraître trop belle au fils d’Abdelaziz, qu’elle appréhendait de ne l’être pas assez quand elle se montrait au prince Aly.

Enfin, lorsque la nuit fut arrivée, et qu’Aboulfatah jugea qu’il était temps que sa fille se rendit chez Aboulcasem, il la fît sortir fort secrètement, et la conduisit lui-même jusqu’à la porte de ce jeune homme, où il la laissa, après lui avoir dit encore qu’il la tuerait si elle ne s’acquittait pas bien de l’infâme personnage qu’il lui faisait jouer. Elle frappe à la porte, et demande à parler au fils d’Abdelaziz. Aussitôt un esclave la mena dans une salle où son maître, couché sur un grand sofa, rappelait dans sa mémoire ses malheurs passés ; et, ce qui lui arrivait fort souvent, rêvait à sa chère Dardané.

D’abord que Balkis parut, Aboulcasem se leva pour la recevoir. Il lui fit une profonde révérence, lui tendit la main d’un air respectueux, et après l’avoir obligée de s’asseoir sur le sofa, il lui demanda pourquoi elle lui faisait l’honneur de le venir voir. Elle lui répondit que, sur la réputation qu’il avait d’être un jeune homme fort galant, il lui avait pris fantaisie de faire une débauche avec lui. En même temps, elle ôta son voile et fit briller à ses yeux une beauté qui le surprit. Malgré son indifférence pour les femmes, il ne put voir impunément tant de charmes. Il en fut touché. « Belle dame, lui dit-il, je sais bon gré à mon étoile de m’avoir procuré une si agréable aventure. Je ne puis assez admirer mon bonheur. »

Après quelques moments de conversation, l’heure du souper arriva. Ils allèrent tous deux dans une salle