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CONTES ORIENTAUX

s’asseoir à une table sur laquelle il y avait plusieurs mets différents. On voyait là un grand nombre de pages et d’officiers ; mais Aboulcasem les fit retirer, afin que la dame ne fût point exposée à leurs regards.

Il se mit à la servir ; il lui présentait de ce qu’il y avait de meilleur, et lui versait d’excellent vin dans une coupe d’or enrichie de rubis et d’émeraudes. Il buvait aussi pour lui faire raison, et plus il regardait Balkis, plus il la trouvait belle. Il lui tenait des discours forts galants, et comme la dame n’avait pas moins d’esprit que de beauté, elle y répondait si spirituellement, qu’il en était charmé. Il se jeta à ses genoux sur la fin du repas. Il lui prit une de ses mains, et la serrant entre les siennes : « Madame, lui dit-il, si vos beaux yeux m’ont d’abord ébloui, votre entretien vient d’achever de m’enchanter. Vous m’embrasez d’un feu qui ne s’éteindra jamais. Je veux désormais être votre esclave, et vous consacrer tous les moments de ma vie. »

En achevant ces paroles, il baisa la main de Balkis avec un transport si vif, que la dame effrayée du péril pressant qui la menaçait, changea tout à coup de visage. Elle devint plus pâle que la mort ; et, cessant de se contraindre, elle prit un air triste et ses yeux furent bientôt baignés de larmes. « Qu’avez-vous, madame ? lui dit le jeune homme, fort surpris. D’où vient cette douleur soudaine ? Que m’annoncent ces pleurs qui pénètrent jusqu’au fond de mon âme ? Est-ce moi qui les fait couler ? Suis-je assez malheureux pour vous avoir dit ou fait quelque chose qui vous ait déplu ? Parlez ! ne me laissez point, de grâce, ignorer plus longtemps la cause de ce funeste changement qui paraît en vous.

— Seigneur, répondit Balkis, c’est trop dissimuler.