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LES MILLE ET UN JOURS

La pudeur, la crainte, la douleur et la perfîdie me livrent des combats trop violents pour pouvoir les soutenir : je vais rompre le silence. Je vous trompe, Aboulcasem. Je suis une fille de qualité. Mon père, qui sait que vous avez un trésor caché, veut se servir de moi pour découvrir l’endroit qui le cache. Il m’a ordonné de venir chez vous, et de ne rien épargner pour vous engager à me le montrer. J’ai voulu m’en défendre, mais il m’a juré qu’il m’ôterait la vie si je m’en retournais sans l’avoir vu. Quel ordre rigoureux pour moi ! Quand je n’aurais pas pour amant un prince que j’aime uniquement et qui doit bientôt m’épouser, la démarche que mon père me fait faire ne laisserait pas de me paraître affreuse. Ainsi, seigneur, si je viens chez vous, je vous annonce que c’est avec une répugnance que la seule crainte de la mort peut surmonter. »

XII

Après que la fille d’Aboulfatah eut parlé de cette sorte, Aboulcasem lui dit : « Madame, je suis bien aise que vous m’ayez découvert vos sentiments. Vous ne vous repentirez pas de votre noble franchise. Vous verrez mon trésor, et vous serez traitée avec tout le respect que vous souhaitez. De quelque beauté que vous soyez pourvue, quelque impression qu’elle ait faite sur moi, vous n’avez rien à craindre, vous êtes ici en sûreté. Je renonce aux espérances que j’avais conçues, puisqu’elles ne vous font que de la peine ; et vous pourrez sans rougir revoir l’heureux amant dont le cher intérêt redouble vos alarmes.