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CONTES ARABES.

mon fermier de m’en aller prendre une autre.

» Ma femme, qui étoit présente, frémit de ma compassion ; et s’opposant à un ordre qui rendoit sa malice inutile : « Que faites-vous, mon ami, s’écria-t-elle ? Immolez cette vache. Votre fermier n’en a pas de plus belle, ni qui soit plus propre à l’usage que nous en voulons faire. » Par complaisance pour ma femme, je m’approchai de la vache ; et combattant la pitié qui en suspendoit le sacrifice, j’allois porter le coup mortel, quand la victime, redoublant ses pleurs et ses beuglemens, me désarma une seconde fois. Alors je mis le maillet entre les mains du fermier, en lui disant : « Prenez, et sacrifiez-la vous-même ; ses beuglemens et ses larmes me fendent le cœur. »

» Le fermier moins pitoyable que moi, la sacrifia. Mais en l’écorchant, il se trouva qu’elle n’avoit que les os, quoiqu’elle nous eût paru très-grasse. J’en eus un véritable