Page:Les Mille et Une Nuits, trad. Galland, Le Normant, 1806, I.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
80
LES MILLE ET UNE NUITS,

chagrin. « Prenez-la pour vous, dis-je au fermier, je vous l’abandonne ; faites-en des régals et des aumônes à qui vous voudrez ; et si vous avez un veau bien gras, amenez-le moi à sa place. » Je ne m’informai pas de ce qu’il fit de la vache ; mais peu de temps après qu’il l’eut fait enlever de devant mes yeux, je le vis arriver avec un veau fort gras. Quoique j’ignorasse que ce veau fût mon fils, je ne laissai pas de sentir émouvoir mes entrailles à sa vue. De son côté, dès qu’il m’aperçut, il fit un si grand effort pour venir à moi, qu’il en rompit sa corde. Il se jeta à mes pieds, la tête contre terre, comme s’il eût voulu exciter ma compassion, et me conjurer de n’avoir pas la cruauté de lui ôter la vie, en m’avertissant, autant qu’il lui étoit possible, qu’il étoit mon fils.

» Je fus encore plus surpris et plus touché de cette action, que je ne l’avois été des pleurs de la vache. Je sentis une tendre pitié qui m’in-