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LES MILLE ET UNE NUITS,

vainquîmes son opiniâtreté, et nous l’obligeâmes à manger. Lorsque je vis qu’elle étoit en état de parler (car elle n’avoit fait que pleurer, gémir et soupirer jusqu’alors), je lui demandai en grâce de vouloir bien me dire par quel bonheur elle avoit échappé des mains des voleurs : « Pourquoi exigez-vous de moi, me dit-elle avec un profond soupir, que je renouvelle un si grand sujet d’affliction ? Plût à Dieu que les voleurs m’eussent ôté la vie, au lieu de me la conserver, mes maux seroient finis, et je ne vis que pour souffrir davantage ! »

« Madame, repris-je, je vous supplie de ne me pas refuser. Vous n’ignorez pas que les malheureux ont quelque sorte de consolation à raconter leurs aventures les plus fâcheuses. Ce que je vous demande, vous soulagera, si vous avez la bonté de me l’accorder.

« Écoutez donc, me dit-elle, la chose la plus désolante qui puisse arriver à une personne aussi passionnée que moi, qui croyois n’avoir plus rien