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LES MILLE ET UNE NUITS,

re plaisir et pour l’excuser, qu’elle n’étoit pas accoutumée à manger avec des hommes, encore moins avec un mari, devant qui on lui avoit peut-être enseigné qu’elle devoit avoir une retenue qu’elle poussoit trop loin par simplicité. Je crus aussi qu’elle pouvoit avoir déjeûné ; ou si elle ne l’avoit pas fait, qu’elle se réservoit pour manger seule en liberté. Ces considérations m’empêchèrent de lui rien dire davantage qui pût l’effaroucher, ou lui donner aucune marque de mécontentement. Après le dîné, je la quittai avec le même air que si elle ne m’eût pas donné sujet d’être très-mal satisfait de ses manières extraordinaires, et je la laissai seule.

» Le soir au souper ce fut la même chose ; le lendemain, et toutes les fois que nous mangions ensemble, elle se comportoit de la même manière. Je voyois bien qu’il n’étoit pas possible qu’une femme pût vivre du peu de nourriture qu’elle prenoit, et qu’il y avoit là-dessous quelque mystère qui m’étoit inconnu. Cela me fit prendre