d’Omega
à Alpha
Sur la dépopulation.
Voici, selon nos conventions, mon tour de te pousser la colle bi-mensuelle. Je me suis donc résigné à lire un journal. Puis, j’ai pris les indispensables mesures de propreté : j’ai brûlé le papier ou s’était torché l’entendement de quelques reporters et je me suis lavé les mains.
À présent, je rêve. Mon Dieu ! comme les questions qui passionnent nos contemporains sont peu intéressantes ! Enfin, aussi délicatement que possible, tirons-en une de la poubelle qu’est l’intellect social.
Tu as des curiosités d’historien et je n’ai pas à t’apprendre que les Chambres sont rentrées hier. Immédiatement, paraît-il, les gâteux du Sénat se sont occupés de la « grave question de la dépopulation. » Ça les émoustille, ces bons vieillards, de mettre leurs nez à bésicles dans ces choses-là. Ils y retrouvent des odeurs de jeunesse.
S’ils discutent le problème, il sera amusant d’imaginer les voix intérieures qui accompagneront les discours adressés à la galerie et quelles croustilleuses pensées ricaneront sous les tirades patriotiques ou humataires.
La plupart, je l’espère bien, se cantonneront dans le point de vue français : si vous aimez la Patrie, n’oubliez pas que votre idole a de chroniques accès de gloutonnerie et qu’à la prochaine guerre elle dévorera beaucoup de chair fraîche ; préparez, bons patriotes, le repas de l’Ogre.
Mais peut-être — il y a des philosophes et des gens de courage, au Sénat, n’est-ce pas ? quelque brave viendra parler des intérêts de l’humanité et nous récitera, bon écolier psalmodiant, sa leçon de Malthus. II répétera la fameuse et inepte démonstration dont aucun de nos imbéciles « sociologues » n’a aperçu la contradiction fondamentale. Il nous prouvera, une fois de plus, que tous les animaux — ces cruels mangeurs, ces pauvres mangés augmentent en progression arithmétique quand on les regarde comme des aliments, mais, si on les considère comme
