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Page:Les Partisans, numéro 2, 1900.djvu/7

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ginales et leur pauvre cerveau n’a rencontré que la banatité. De la scène et de la place publique où ils effectuaient leurs cabrioles et clamaient leurs boniments, ils se sont insinués dans les salons du monde artiste et les boudoirs de galanterie, recherchés par le flirt des Célimènes sur le retour et le blason taré des ducs apocryphes.

Durant plus de dix années, ils ont imposé au culte de la foule le japonisme de bazar et, par leur mauvaise foi ou leur ignorance, ont blasphémé l’art classique, préférant aux merveilles de Ingres les excentricités incohérentes de tel moderne farceur.

Ils ont osé, en présence de la veulerie contemporaine, mettre à l’index les œuvres des maîtres et personne n’a protesté ; nulle voix vengeresse n’a cinglé d’ironie leurs consciences de valets.

Toujours le rire insultant des Bathylles, leur crachat de pitres hystériques, vers ce qu’il y a de plus noble, de plus sincère, et jamais un cri d’indignation de la part de ceux qui pensent et qui souffrent.

De la pitié et du mépris sans doute ; mais aucun effort pour combattre la pléiade des corrupteurs, aucune révolte franche contre ce cynisme qui avilit la Beauté.

Accoutumés à suivre en moutons de Panurge les excentricités d’une fantaisie éphémère, ils apprennent de l’acteur Bargile la science des cravates. De Sam, tragédien de mérite, les initie à la caresse des peplums de Smyrne. Jean Rollin leur conseille de s’extasier devant les primitifs de l’École Bolonaise et il se trouve un critique de valeur, M. Octave Mirlet, pour les conduire à l’apothéose de Rodin à grand renfort d’épithètes. Cette marche au triomphe, entonnée en l’honneur du grand statuaire, nous semblerait d’ailleurs légitime, si nous n’y devinions, à l’abri d’un jugement convaincu, l’appétit de réclame du Maître. Soit ! Admirons avec M. Mirlet la vie intense qui anime la statue de Balzac, ou la grâce radieuse du « Baiser » ; mais n’en profitons pas pour dénigrer l’art calme et hiératique de Gustave Moreau, cette féerie de la Fable, ou rendre ridicule l’idéalisme de Burne-Jones.

Le rôle de juge, qu’assume le critique en notre époque de suiveurs, est une tache lourde. Il encourt une responsabilité terrible, car son opinion, bonne ou mauvaise, est aveuglément professée par ceux qui singent sa compétence et vivent des reliefs du festin.

S’il dispense parfois l’encens avec des mains hâtives, s’il s’agenouille, dévotieux, en présence de gloires pres-