Page:Les Partisans, numéro 2, 1900.djvu/8

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senties, il lui sera pardonné, quoi qu’il advienne, en faveur de sa croyance, mais il aura de même à répondre de sa partialité et des erreurs qu’il pourrait commettre. Les Bathylles actuels, fiers de vivre sans le vain luxe des idées, ne sont que les reflets pâles et lointains de ceux dont ils se déclarent les émules.

Ont-ils de l’esprit ! cet esprit est futile, superficiel, inapte aux généralisations, incapable de s’élever jusqu’à la synthèse. Ils n’ont ni l’énergie de haïr, ni la puissance d’aimer. Leur unique souci est d’étonner ceux qui les approchent et, pour atteindre ce but, ils usent de tous les moyens, emploient toute leur industrie.

Que leur préférence aille vers les Alcibiades du Café de la Paix ou les Laïs des Folies-Bergère, ils n’en demeurent pas moins épris d’abord d’eux-mêmes, Narcisses indulgents à se mirer dans la fontaine de leur orgueil.

Le mal causé par les Bathylles s’étend à toutes les catégories sociales ; leurs jugements arbitraires s’implantent chez l’élite intellectuelle ; les artisans s’avouent asservis à leur fugitif caprice et la plèbe applaudit de plus en plus ces clowns dont le fard et la céruse déguisent médiocrement la sereine nullité.

Devant l’avenir, qui répondra de cette fatale déchéance, sinon les vrais artistes, ceux dont le devoir strict eût été de s’insurger et de chasser les vendeurs du temple ? Tolérer, en pareil cas, c’est être tacitement complices et déserter la voie que nous enseignèrent les hardis précurseurs.

Il existe deux moyens de lutte : l’isolement et l’assaut énergique contre les préjugés contemporains. Certaines volontés, captives du rêve, hésitent à se jeter dans la mêlée, à abandonner le refuge de leur tour d’ivoire, pour combattre les hérésies des Jocrisses et des Bathylles et cependant, quelque effort qu’il puisse leur en coûter, le temps est venu d’agir et de réprimer les progrès audacieux et néfastes du snobisme.

Aux réputations surfaites, nous devons opposer l’exemple du mérite véritable, ne pas accepter, par indifférence ou faiblesse, les œuvres que sanctionnent des admirations de cénacles, mais accueillir avec joie tout effort sincère vers le Beau.

La foi simple et naïve est une eucharistie qui nous délivrera de l’erreur. Assez de Bathylles et de faux apôtres ! L’ère des décadences peut encore être conjurée si nous possédons toujours l’égide de notre idéal, si nous savons endiguer le flot croissant du ridicule.

La foule ignore les hommes dont l’orgueilleuse modestie s’exile et ne descend pas vers elle. Prostituer sa pensée, s’avilir aux quotidiennes