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LES SÉRAILS DE LONDRES

jugement des baillis, enfin attrapé. Pendant plusieurs mois, il avoit renversé l’ordre du temps, c’est-à-dire, qu’il faisoit de la nuit le jour ; il se levoit ordinairement vers les six heures du soir, se rendoit au café, où il prenoit son déjeûner sous la dénomination de thé de l’après-dîner : dès qu’il avoit lu les papiers, il alloit se promener jusqu’à près de minuit ; il se transportoit ensuite chez Juppe, où on lui servoit à dîner au lieu du souper ; il y restoit tant que la maison étoit ouverte, et il y buvoit deux ou trois pintes de bierre. Si l’on fermoit avant le temps fixe de son coucher, il visitoit Brown-Bear, où d’autres maisons de nuit, afin de compléter le reste de sa soirée. Il est remarquable que, pendant près d’un an, un bailli, qui constamment avoit un ordre contre lui, ne pût jamais le découvrir, quoiqu’ils fussent si proches voisins, qu’ils demeuroient sur le même plancher, et occupassent les chambres adjacentes ; mais le poëte avoit changé son nom, et c’étoit si bien déguisé par sa mise, qu’il eut été impossible de le reconnoître d’après la description de sa première splendeur. De sorte qu’ils se rencontroient souvent ensemble dans l’escalier, et que M. S...r et M. Sm...th se faisoient, en passant, des compliments de civilité. L’indigence de M. S...r étoit si grande, que tout son linge ne consistoit qu’en une chemise, ou plutôt en un lambeau de chemise,