ses coups de sifflet, la machine fumait et vomissait sans relâche des flammèches. Je referme le carreau et je regarde mes compagnons. Les uns ronflaient ; les autres, gênés par les cahots du coffre, ronchonnaient et juraient, se retournant sans cesse, cherchant une place pour étendre leurs jambes, pour caler leur tête qui vacillait à chaque secousse.
À force de les regarder, je commençais à m’assoupir, quand l’arrêt complet du train me réveilla. Nous étions dans une gare, et le bureau du chef flamboyait comme un feu de forge dans la sombreur de la nuit. J’avais une jambe engourdie, je frissonnais de froid, je descends pour me réchauffer un peu. Je me promène de long en large sur la chaussée, je vais regarder la machine que l’on dételle et que l’on remplace par une autre, et, longeant le bureau, j’écoute la sonnerie et le tic-tac du télégraphe. L’employé, me tournant le dos, était un peu penché sur la droite, de sorte que, du point où j’étais placé, je ne voyais que le derrière de sa tête et le bout de son nez qui brillait, rose et perlé de sueur, tandis que le reste de la figure disparaissait dans l’ombre que projetait l’abat-jour d’un bec de gaz.
On m’invite à remonter en voiture, et je retrouve mes camarades tels que je les ai laissés. Cette fois, je m’endors pour tout de bon. Depuis combien de temps mon sommeil durait-il ? Je ne sais, quand un grand cri me réveille : Paris ! Paris ! Je me précipite à la portière. Au loin, sur une bande d’or pâle se détachent, en noir, des tuyaux de fabriques et d’usines. Nous étions à Saint-Denis ; la nouvelle court de wagon en wagon. Tout le monde est sur pied. La machine accélère le pas. La gare du Nord se dessine au loin,