nous y arrivons, nous descendons, nous nous jetons sur les portes, une partie d’entre nous parvient à s’échapper, l’autre est arrêtée par les employés du chemin de fer et par les troupes, on nous fait remonter de force dans un train qui chauffe, et nous revoilà partis Dieu sait pour où !
Nous roulons derechef, toute la journée. Je suis las de regarder ces ribambelles de maisons et d’arbres qui filent devant mes yeux, et puis j’ai toujours la colique et je souffre. Vers quatre heures de l’après-midi, la machine ralentit son essor et s’arrête dans un débarcadère où nous attendait un vieux général autour duquel s’ébattait une volée de jeunes gens, coiffés de képis roses, culottés de rouge et chaussés de bottes à éperons jaunes. Le général nous passe en revue et nous divise en deux escouades ; l’une part pour le séminaire, l’autre est dirigée sur l’hôpital. Nous sommes, paraît-il, à Arras. Francis et moi, nous faisions partie de la première escouade. On nous hisse sur des charrettes bourrées de paille, et nous arrivons devant un grand bâtiment qui farde et semble vouloir s’abattre dans la rue. Nous montons au deuxième étage, dans une pièce qui contient une trentaine de lits ; chacun déboucle son sac, se peigne et s’assied. Un médecin arrive.
— Qu’avez vous ? dit-il au premier.
— Un anthrax.
— Ah ! Et vous ?
— Une dysenterie.
— Ah ! Et vous ?
— Un bubon.
— Mais alors vous n’avez pas été blessés pendant la guerre ?