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Page:Les Soirées de Médan.djvu/27

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LES SOIRÉES DE MÉDAN

die. Le pétillement de la fusillade lui-même cessa. Seule, la Morelle chuchotait avec son bruit clair.

Le père Merlier regarda le capitaine d’un air de surprise, comme pour lui demander si c’était fini.

— Voilà le grand coup, murmura celui-ci. Méfiez-vous. Ne restez pas là.

Il n’avait pas achevé qu’une décharge effroyable eut lieu. Le grand orme fut comme fauché, une volée de feuilles tournoya. Les Prussiens avaient heureusement tiré trop haut. Dominique entraîna, emporta presque Françoise, tandis que le père Merlier les suivait en criant :

— Mettez-vous dans le petit caveau, les murs sont solides.

Mais ils ne l’écoutèrent pas, ils entrèrent dans la grande salle, où une dizaine de soldats attendaient en silence, les volets fermés, guettant par des fentes. Le capitaine était resté seul dans la cour, accroupi derrière la petite muraille, pendant que des décharges furieuses continuaient. Au-dehors, les soldats qu’il avait postés, ne cédaient le terrain que pied à pied. Pourtant, ils rentraient un à un en rampant, quand l’ennemi les avait délogés de leurs cachettes. Leur consigne était de gagner du temps, de ne point se montrer, pour que les Prussiens ne pussent savoir quelles forces ils avaient devant eux. Une heure encore s’écoula. Et, comme un sergent arrivait, disant qu’il n’y avait plus dehors que deux ou trois hommes, l’officier tira sa montre, en murmurant :

— Deux heures et demie… Allons, il faut tenir quatre heures.

Il fit fermer le grand portail de la cour, et tout fut