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L’ATTAQUE DU MOULIN

préparé pour une résistance énergique. Comme les Prussiens se trouvaient de l’autre côté de la Morelle, un assaut immédiat n’était pas à craindre. Il y avait bien un pont à deux kilomètres, mais ils ignoraient sans doute son existence, et il était peu croyable qu’ils tenteraient de passer à gué la rivière. L’officier fit donc simplement surveiller la route. Tout l’effort allait porter du côté de la campagne.

La fusillade de nouveau avait cessé. Le moulin semblait mort sous le grand soleil. Pas un volet n’était ouvert, aucun bruit ne sortait de l’intérieur. Peu à peu, cependant, des Prussiens se montraient à la lisière du bois de Gagny. Ils allongeaient la tête, s’enhardissaient. Dans le moulin, plusieurs soldats épaulaient déjà ; mais le capitaine cria :

— Non, non, attendez… Laissez-les s’approcher.

Ils y mirent beaucoup de prudence, regardant le moulin d’un air méfiant. Cette vieille demeure, silencieuse et morne, avec ses rideaux de lierre, les inquiétait. Pourtant, ils avançaient. Quand ils furent une cinquantaine dans la prairie, en face, l’officier dit un seul mot :

— Allez !

Un déchirement se fit entendre, des coups isolés suivirent. Françoise, agitée d’un tremblement, avait porté malgré elle les mains à ses oreilles. Dominique, derrière les soldats, regardait ; et, quand la fumée se fut un peu dissipée, il aperçut trois Prussiens étendus sur le dos, au milieu du pré. Les autres s’étaient jetés derrière les saules et les peupliers. Et le siège commença.

Pendant plus d’une heure, le moulin fut criblé de balles. Elles en fouettaient les vieux murs comme une