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Page:Les Soirées de Médan.djvu/29

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LES SOIRÉES DE MÉDAN

grêle. Lorsqu’elles frappaient sur de la pierre, on les entendait s’écraser et retomber à l’eau. Dans le bois, elles s’enfonçaient avec un bruit sourd. Parfois, un craquement annonçait que la roue venait d’être touchée. Les soldats, à l’intérieur, ménageaient leurs coups, ne tiraient que lorsqu’ils pouvaient viser. De temps à autre, le capitaine consultait sa montre. Et, comme une balle fendait un volet et allait se loger dans le plafond :

— Quatre heures, murmura-t-il. Nous ne tiendrons jamais.

Peu à peu, en effet, cette fusillade terrible ébranlait le vieux moulin. Un volet tomba à l’eau, troué comme une dentelle, et il fallut le remplacer par un matelas. Le père Merlier, à chaque instant, s’exposait pour constater les avaries de sa pauvre roue, dont les craquements lui allaient au cœur. Elle était bien finie, cette fois ; jamais il ne pourrait la raccommoder. Dominique avait supplié Françoise de se retirer, mais elle voulait rester avec lui ; elle s’était assise derrière une grande armoire de chêne, qui la protégeait. Une balle pourtant arriva dans l’armoire, dont les flancs rendirent un son grave. Alors, Dominique se plaça devant Françoise. Il n’avait pas encore tiré, il tenait son fusil à la main, ne pouvant approcher des fenêtres dont les soldats tenaient toute la largeur. À chaque décharge, le plancher tressaillait.

— Attention ! attention ! cria tout d’un coup le capitaine.

Il venait de voir sortir du bois toute une masse sombre. Aussitôt s’ouvrit un formidable feu de peloton. Ce fut comme une trombe qui passa sur le moulin. Un autre volet partit, et par l’ouverture béante de la