Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/47

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Si du Ciel y eschet l'equitable ordonnance
Tu m'auras comme a toy de tout temps dedié,
Si fortune y consent, l'un & l'autre moitié
Nous ferons de nos cœurs eternelle alliance.

Le destin est ton œil qui a forcé mon ame,
L'amour est le doux feu dont ta beauté m'enflamme
Le Ciel est ta vertu, fortune ton vouloir.

Le destin, & l'amour, le Ciel, & la fortune,
Sont de toy, & par toy auront force commune,
Si tu veux à mon bien conduire ton pouvoir.

XLVII.


Voulez-vous estre aimee, il faut que vous aymiez
Mais vous ne voulez pas, dites vous, estre aymee,
Vous dites qu'aussi bien ne fut onq' enflamee
Vostre ame pour amour, dont peu vous souciez.

Ne dites pas cela de peur que ne sentiez
Sa force contre vous une fois animee :
Car lors par cent brasiers dans le cœur allumee
Il feroit qu'à tousjours sans repos vous vivriez.

Aimez, ou permettez que vos yeux on adore,
Ne chassez point l'amour : mais souffrez qu'on honore
Sous vos perfections sa grande deité :

Croyez moy je vous pri', que c'est peu d'estre belle,
Si d'amour on ne sent quelque douce estincelle,
Fut-on la beauté mesme, on n'a point de beauté.

XLVIII.


Le Ciel & la beauté dessus tout ont puissance,
Le Ciel fait comme il veut de vostre volonté,
De mesme vous rangez dessous vostre beauté
Ceux qui vivront heureux en vostre obeissance.

Le Ciel peut dessus tout par sa juste influence,
La beauté peut sur tout par la fatalité,
L'influence & le sort sont un poinct arresté