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Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/48

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En la loy de ce tout d'une mesme ordonnance.

Ainsi d'un mesme sort le Ciel vous destina
Pour estre ma maistresse, & le mesme ordonna
Que pour vostre beauté un jour je vous servisse.

Il nous faut obeir humbles à leur grandeur,
Soyez moy donc maistresse, & benigne & propice,
Et vous m'aurez fidele & loyal serviteur.

XLIX.


Quand je touche vos mains, & que l'extreme bord
De ma levre les joinct, de tant d'air se ravie,
Mon ame sort de moy, & me laissant sans vie
M'abandonne au doux mal d'une agreable mort.

Las ! presque je peris, & sous mon dernier sort
Je cognois peu à peu que mon ame affoiblie
Pour vivre en vous aimant, heureusement s'oublie,
En l'objet qui me tue en son doux foible effort.

Ha je meurs ! ha je vis ! ha je vis ! ha je meurs,
En un mesme moment je sens mille douleurs,
Et autant de plaisirs : se jouer de mon ame :

Je me brusle & je gelle, & constant non constant
J'espere & desespere, & toutesfois content
J'adore vos beautez, & je benis ma flame.


L.


Que ne permettez vous que je meure, mon cœur,
Lors que baisant vos mains la vie me delaisse ?
Que ne permettez vous que le mal qui me presse
Par l'objet de mon bien n'use de sa rigueur ?

Las ! pourquoy doucement souffrez vous que l'humeur
Dont je vis par vos yeux augmente, ma Deesse ?
Hé que ne voulez vous pour finir ma tristesse
Que je meure au moment que j'ay tant de bon heur ?

Deussay-je en tel instant arrester ma fortune,
Et vivant avec vous d'une amitié commune