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Page:Les Souspirs amoureux de F B de Verville 1589.djvu/68

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Mon ame hors de moy heureusement ravie
Vit tandis que je meurs, & prise du bel hain
Qui tient à vos cheveux, je l'attens, mais en vain :
Car sans plus retourner, en vous elle s'oublie.

J'ay beau la r'appeller elle qui ne veut pas
Eslongner vos beautez, m'abandonne au trespas,
Et me fait desirer mon mal heur pour son aise.

Ainsi vivant en vous quand je suis mort en moy
Je desire à tousjours pourveu qu'il le vous plaise,
Suivre le bel arrest dont vous m'estes la loy.


LV.


Mon sang est tout gellé, je n'ay plus dans le cœur
De pouvoir pour encor entretenir ma vie,
Mes nerfs sont retirez, & je sens amortie,
La Vertu qui tenoit mes esprits en chaleur.

Mes os n'ont plus en eux cette aggreable humeur
Qui les entretenoit, & ma force est faillie,
De mon cerveau seché goutte à goutte est sortie
La douce humidité qui luy donnait vigueur.

Mes yeux ne servent plus à mon corps de lumiere,
Et je n'attens plus rien qu'en mon heure derniere,
La mort de mes poumons oste le mouvement :

Mais elle n'y peut rien, pour autant qu'en mon ame
Esclairent vos beaux yeux qui me sont vous aymant,
Sang, cœur, nerfs, vie, esprits, force, humeur, cerveau, flame.


ELEGIE. I.



Si vous avez au cœur autant de courtoisie
Que de douceur aux yeux, escoutez je vous prie
Comme par mes destins heureusement forcé,
Je fus pour vous aymer en vos lien poussé :