Page:Les Veillées du Père Bonsens - Premier entretien (vol 1 et 2), 1865.pdf/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sait que j’en payais une autre, puis une autre, et pendant tout ce tems-là, on jasait ; chacun contait son histoire et ce n’est pas moi qui étais le moins bavard.

Quenoche. — Vous avez qu’à voir ! comment ! c’est dans les auberges que vous avez appris tout ce que vous savez ? J’y vais bien quelque fois quand je vends mon grain en ville ; mais je n’ai jamais rien entendu de pareil. On ne parle plus de ces choses-là dans les barres d’à-présent.

Bonsens. — Attends un peu. Un jour je me suis mis à compter tout ce que mon rhum et mes traites me coûtaient de tems et d’argent, et j’ai vu que ça me prenait plus de cent piastres par année et souvent plusieurs heures par jour. Je me suis dit : plus de rhum, plus de traites, plus de tems gaspillé à dire des niaiseries. Au lieu de dépenser cent piastres en boisson, j’en ai mis cinquante à souscrire à des gazettes et à acheter des livres, et comme ça j’en ai une bonne pacotille. Je n’ai plus d’ivrognes pour visiteurs ; je passe mon tems agréablement, même quand je suis seul, et je mets plus de cinquante piastres dans ma poche par année.

Jean-Claude. — Tiens ! je n’avais jamais pensé à cela. Il faut que j’essaie d’en faire autant en petit. Je ne sais pas lire