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Page:Les Veillées du couvent, ou le Noviciat d’amour, 5793 (1793).djvu/84

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Les veillées

deux, et un seul m’eût ravi dans les cieux. Que dis-je ? j’en vis quatre, car la Nymphe qui habite les bords fleuris et tortueux de l’Aronde, rendant ses eaux immobiles et diaphanes, comme la glace la mieux passée au teint, vint civilement les doubler. Oui : j’en vis quatre, et le pittoresque de ce tableau auquel je ne m’attendais pas, y ajouta un charme inexprimable. Je ne pus tenir à tant de prestiges et d’images enchanteresses, je ne fus pas changé, comme Actéon en Cerf, pour avoir vu Diane et ses Nymphes au bain ; mais des torrens de feu coulaient dans mes veines : j’étais tout-œil et toute ame, je tirai ou plutôt j’arrachai avec violence de son étui ce bijou précieux qui était l’objet des desirs et des recherches de nos deux recluses, et lui donnant quelques secousses avec une espèce de fureur, j’offris en moins de cinq minutes deux libations à Vénus, ou plutôt à ses charmantes prosélytes. Hélas ! dis-je, en voyant jaillir dans tes flots du tranquille ruisseau, les gouttes précieuses de cette manne, de cette ambroisie céleste, qui en troublèrent la limpidité, en