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PRÉFACE

qu’étaient gardés les défilés dangereux des montagnes et que les voyageurs endormis dans la neige étaient arrachés à la mort ; c’est par les moines, dans les hôpitaux ou les écoles, qu’était accomplie une des tâches les plus ingrates de la terre.

Mais ce côté utilitaire des couvents n’est que le petit côté. Si l’on veut réfléchir, on verra bien vite qu’ils répondent à un besoin pressant des âmes. Quelle est, en effet, la valeur du milieu social où nous vivons ? S’il y a du bien, nous savons aussi qu’il y a beaucoup de mal, et si nous observons d’un peu près les hommes et les choses, nous voyons des convictions chancelantes, des volontés amoindries ou dévoyées, des dégradations innommées, des abjections ignobles, des turpitudes et des hontes tous les jours envahissantes, des boues infectes, des fanges empoisonnées : voilà le monde. Il y a des hommes qui l’aiment. Mais il y a aussi des âmes assez grandes, assez nobles, assez amies des belles et saintes choses pour souffrir horriblement dans ce milieu mauvais. À ces âmes il faut le couvent.

On trouve tout naturel qu’un homme, lorsqu’il a été touché par cette flamme si noble et si dévorante de l’amour, se dérobe au commerce des mortels pour être pleinement heureux dans la solitude et le mystère, et nous n’admettrions pas qu’il y ait des âmes qui aiment Dieu avec cet amour exclusif, qui ont la passion de Dieu, qui veulent, dans la solitude, pour être plus à lui, admirer Dieu, parler à Dieu, entendre Dieu, jouir de Dieu ! Cette solitude avec Dieu, c’est le couvent.

Et si, lorsqu’on parle de Dieu et de ses droits, de l’âme et de ses devoirs, de l’éternité bienheureuse et malheureuse, il y a des hommes qui rient et qui se moquent, il y a aussi des hommes pour qui ces grandes questions sont les préoc-