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QUATORZIÈME AVENTURE.

qu’il avoit fréquemment essayé. Il y avoit, du côté opposé à la porte, dans le courtil, une ouverture étroite : il y conduit Primaut, passe le premier et invite à le suivre son ami. Primaut eut toutes les peines du monde à passer ; mais la faim avoit effilé son ventre et lui donnoit une ardeur singulière ; les voilà dans la maison. Ils arrivent au lardoir, ils découvrent les bacons. « Maintenant, soyez content, sire compain, » dit Renart ; « jamais vous n’aurez plus belle occasion d’apaiser votre faim. » L’autre, au lieu de répondre, tombe sur les jambons, les dévore et n’en auroit pas même offert à Renart, si celui-ci n’eût pris ses précautions d’avance. Mais comme il n’oublie pas qu’on peut les surprendre, il avertit Primaut de se hâter. « Je suis prêt à partir, » répond l’autre, « mais j’ai tant mangé que je marche avec difficulté. » En effet, sa panse étoit devenue plus large que son corps n’était long : Clopin-clopant, ils reviennent au pertuis que Renart passa sans trop de peine ; mais il en fut tout autrement de Primaut. Le ventre qu’il rapportoit opposoit une résistance inattendue. « Comment faire, » disoit-il, « comment sortir de là ? — Vous avez quelque chose, frère ? » dit doucement Renart. « Quelque chose ? J’ai que je ne puis repasser outre. — Repasser ? vous voulez rire sans doute. — Je te dis, par mes dents, que