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DIX-NEUVIÈME AVENTURE.

pieds, se lève, se baisse, se dresse sur le bas de la croix, pousse de petits cris de dépit et de convoitise. L’andouille est là devant ses yeux, déjà entamée par les fines et bonnes dents du chat ; chaque coup d’œil ajoute à ses désirs, à ses impatiences. Enfin, il imagine un expédient inattendu : il s’élance à l’autre bout de la tombe, avance le museau dans l’herbe, cherche, semble fureter de côté et d’autre, l’œil ardent, le corps vivement agité. « As-tu vu, Tybert ? » crie-t-il. — « Quoi ? » fait l’autre, le dos tourné ; « voyons, qu’as-tu découvert ? — Par Dieu, une souris. — Une souris ! » À ce nom de la chose qu’il aime le mieux au monde, Tybert met tout en oubli, même l’andouille ; il se tourne vivement du côté de Renart, et dans ce mouvement il avance un peu la patte, l’andouille tombe. Renart fait un saut, la saisit et pendant qu’il l’étend sur la pierre avec complaisance, Tybert du haut de la croix mène un deuil amer. « Renart, vous m’avez trahi ; malheur à qui entre en conversation avec vous. — Pourquoi donc me parles-tu ? — Oui, malheur à qui se fie en vous ! — Et à qui voudra rien partager avec toi. M’as-tu seulement regardé, quand je te demandois une petite part de cette andouille vraiment excellente ? Je l’ai maintenant ; je t’en offre la ficelle. Adieu beau cousin, mon cher