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QUARANTE-DEUXIÈME AVENTURE.

n’en voudriez pas. — Comment ! des souris ? j’en prendrois avec le plus grand plaisir. — Oh ! non, c’est un trop petit manger pour vous ! — Je puis vous assurer, Renart, que si j’écoutois mon goût, je ne vivrois pas d’autre chose. — En ce cas, je puis vous en donner plus que vous n’en mangerez assurément. Je vous joins, et vous n’aurez plus qu’à me suivre. »

Le besoin avoit sans doute fait perdre, ce jour-là, la mémoire à Tybert ; il ne soupçonnoit plus de trahison et suivit docilement Renart jusqu’aux portes d’un village voisin dont toutes les gelines étoient depuis longtemps passées dans la cuisine d’Hermeline. « Maintenant, » dit-il à Tybert, « coulons-nous entre ces deux maisons ; nous arriverons chez le prêtre, son grenier que je connois est fourni de froment et d’avoine, les souris y trouvent table ouverte. La dernière fois que j’y fis une reconnoissance, j’en pris une grande quantité, dont je mangeai sur place la moitié, je mis les autres en conserve. Et tenez, voici le trou qui donne entrée, passez et régalez-vous. »

Tout cela étoit de l’invention de Renart. Le prêtre n’avoit ni froment ni avoine : bien au contraire, chacun, dans le village, se plaignoit de sa mauvaise femme qui l’avoit rendu père