la contemplation de son oison, et lui qui n’avoit mangé de la matinée, profite de l’occasion, descend, avance les ongles et vous happe la lourde volaille. Primaut, à la rigueur, eût pu le prévenir ; mais il avoit espéré du même coup retenir l’oison et l’épervier : il perdit l’un et l’autre. Quel ne fut pas alors son dépit ! il suit Mouflart des yeux, il le voit se poser sur un chêne, et prenant alors l’air d’une honnête personne : « Sire Mouflart, » dit-il, « cela n’est pas bien d’ôter aux gens ce qui leur appartient ; sur mon salut, je ne vous aurois pas traité de même. Tenez, ne nous querellons pas, cher ami ; descendez, faisons la paix ; vous découperez l’oison, et vous choisirez vous-même la moitié qui vous plaira le mieux. Ne le voulez-vous pas, mon bon Mouflart ?
— Non, Primaut, » répond l’autre, « ne l’espérez pas ; je garde ce que je tiens. À moi cet oison, à vous les autres que vous prendrez. Mais, si vous voulez, je dirai une patenostre pour vous mon bienfaiteur : car il faut en convenir, l’oie est excellente ; je n’en ai jamais mangé d’aussi tendre et d’aussi dodue. — Au moins laissez-m’en goûter. Une seule cuisse, de grâce ! — Vous n’y pensez pas, sire Primaut. Quoi ! vous voulez que je descende jusqu’à vous, pour le plaisir de partager ! Il faudroit être fou, pour mettre