Page:Les filles de Loth et autres poèmes érotiques, 1933.djvu/156

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Rouler des citoyens les phalanges meurtries,
Tandis que Badinguet dansait aux Tuileries,
À l’odeur du poison qui lui montait au nez :
« Morts ! cria le dormeur, tous morts empoisonnés ! ! »
Alors, soit pour jouir du lugubre spectacle,
Soit pour sauver aussi son corps de la débâcle,
À la cime d’un poil, lentement, il monta
Et puis, levant les yeux vers le ciel, il chanta :

« — Naguère, au sein de ce domaine,
« Nous étions cent. Le poison gris
« Sorti d’une boutique humaine
« Dans les flots roula la centaine
« De mes amis morts et pourris.

« Mon père est mort, ma mère est morte
« Mes fils sont morts, ma femme aussi,
« Et de la joyeuse cohorte
« Un seul est resté, qui se porte
« Assez bien : c’est moi, Dieu merci !

« Quand la mort frappe votre frère,
« Je sais qu’il est de mauvais ton
« D’en parler de façon légère ;
« Mais puisque je suis seul sur la terre,
« Je me fous du : « Qu’en dira-t-on ? »

« Si je versais une ou deux larmes,
« Je perdrais ma peine et mon temps.
« Au fond, la vie a bien des charmes
« Quand vous voyez vos frères d’armes
« Autour de vous agonisants.


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